Eglise Catholique et élections législatives octobre 2023

Plaidoyers de l’Église catholique à Luxembourg en vue des législatives de 2023

[bleu ciel]Avant-propos[/bleu ciel]

L’Église catholique à Luxembourg, en tant que rassemblement de fidèles et institution de citoyens, est un acteur de la société civile parmi d’autres. Par son sens de responsabilité pour le vivre-ensemble, le bien commun et le sort de l’être humain dans son contexte sociétal, elle aimerait attirer l’attention de ceux et celles qui aspirent à un mandat politique sur quelques aspects non exhaustifs qui lui semblent particulièrement importants en ce moment-ci à partir des valeurs qui lui sont propres.

  • Protéger la vie - du début jusqu’à la fin
    Fir eng liewens- a mënschefrëndlech Politik

[bleu ciel]Plaidoyer : Sauvegarder le droit à la vie[/bleu ciel]

Suite à la décision de la Cour Suprême des États-Unis de renvoyer à chaque État la décision d’autoriser, ou non, l’avortement sur son territoire, plusieurs associations et courants politiques au Luxembourg ont revendiqué l’ancrage du droit à l’avortement dans la « nouvelle » Constitution. En plus, en août 2022 la Ministre de la Santé a confirmé qu’un éventuel prolongement du délai du « droit à l’avortement » de 12 à 14 semaines serait à l’étude. L’Église reste convaincue que le rôle premier de toute société moderne est de protéger ses membres, surtout les plus faibles et sans défense, y inclus les enfants encore à naître. Cette responsabilité sociétale ne devrait pas être sacrifiée au profit de l’autodétermination de l’individu. Dans le cadre des discussions en cours, les arguments notamment de la société des gynécologues qui refuse de porter le délai à 14 semaines pour des raisons médicales et éthiques devraient être prises en compte tout comme d’ailleurs les positions d’associations qui œuvrent pour la vie naissante et qui aident les personnes concernées à sortir de leur détresse pour qu’elles puissent prendre une décision pour la vie. Dans ce contexte, nous rappelons que le droit à la vie est un droit fondamental (cf. Convention européenne des droits de l’homme, article 2), non négociable sur lequel reposent tous les autres droits. Vouloir ancrer juridiquement son contraire serait une trahison au système de valeurs qui est à la base des démocraties modernes, des États de droit et de l’Union Européenne. Il est dès lors inconcevable que le droit à l’avortement soit inscrit dans la Constitution.

[bleu ciel]Plaidoyer : Ne pas mettre en avant l’euthanasie au détriment des soins palliatifs[/bleu ciel]

En 2021, 24 personnes ont eu recours à l’euthanasie et à l’assistance au suicide, en 2022, elles étaient 34. Le rapport 2021-2022 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide reprenant ces chiffres a été déposé à la Chambre des Députés le 14 mars 2023 par la Commission Nationale de Contrôle et d’Évaluation compétente en la matière. Depuis 2009, l’année d’entrée en vigueur de la loi relative à l’euthanasie et à l’assistance au suicide, la Commission Nationale de Contrôle et d’Évaluation de l’application de loi a compté 170 déclarations d’euthanasie.

Lors de la remise du 7e rapport, le président de la commission a déploré qu’il existerait toujours un manque d’information quant à la législation existante auprès de la population et des médecins. D’où la suggestion d’une meilleure sensibilisation au niveau du public et une formation plus poussée au niveau du corps médical. Ceci permettrait aux patients (ou à leurs proches) de se renseigner sur les différentes possibilités pour
concrétiser une euthanasie ou une assistance au suicide.

Dans ce contexte, l’Église demande que l’euthanasie active ne soit pas mise en avant au détriment des soins palliatifs lors d’une éventuelle campagne de sensibilisation. La recherche de l’amélioration de la qualité de vie du malade jusqu’à sa fin naturelle doit rester le premier souci d’une société moderne et humaine. Il est essentiel que les patients gardent un vrai choix, que l’accès aux informations concernant les soins palliatifs soit maintenu et qu’aucune pression, même pas indirecte, ne soit exercée ni sur les personnes vulnérables en fin de vie pour recourir à l’euthanasie ni au personnel médical et encadrant pour pratiquer l’euthanasie active contre leur gré.

  • Mettre l’accent sur les plus vulnérables
    Lëtzebuerg, eng Plaz fir jiddereen

Pour le volet de la diaconie et des questions sociales préoccupantes, l’Église fait siennes les revendications formulées par Caritas Luxembourg fin juin 2022 en vue des élections législatives 2023. [1] Nous nous permettons de tirer l’attention sur deux points, à savoir la question du logement abordable et la crise migratoire.

[bleu ciel]Plaidoyer : Inclure davantage les acteurs privés dans la Stratégie nationale de Logement abordable[/bleu ciel]

Le Luxembourg fait face à une série de problèmes liés à la crise du logement et aux inégalités de revenu (quantité de logements insuffisante par rapport à la demande, aggravation rapide et à long terme de ce problème par la baisse très forte des logements mis en construction, loyers très élevés, hausse du coût de l’endettement et de la construction, risque de pauvreté et de surendettement, écart grandissant entre riches
et pauvres, …). Cette crise est accentuée par une inflation à un niveau élevé depuis le début de la guerre en Ukraine ; aujourd’hui cette crise touche une partie grandissante de la population.

L’Église catholique est bien consciente de cette réalité. Malheureusement, l’élan initial du Kierchefong pour investir dans le secteur du logement abordable a été freiné vu que les conditions pour bénéficier de subventions étatiques ont changé de manière significative, ce qui a fortement impacté le rendement nécessaire pour assurer la viabilité des projets immobiliers. Bien que l’Église salue l’annonce dans le cadre de la Stratégie nationale du Logement abordable d’augmenter considérablement l’offre publique de logements abordables, elle reste convaincue que les acteurs privés peuvent contribuer à réduire le problème du logement abordable. Pour cela, il incombe à la politique de définir un cadre législatif plus favorable permettant des investissements de taille à caractère social. Vu la durée de mise en œuvre des projets immobiliers, seul un effort commun de tous les acteurs publics et privés peut aboutir aux résultats
escomptés.

[bleu ciel]Plaidoyer : Humaniser l’accord européen en matière de politique d’asile et assurer les voies légales d’immigration[/bleu ciel]

Récemment, les ministres de l’Intérieur de l’Union Européenne ont trouvé un accord sur une réforme de l’asile qui ouvre la voie pour entamer des discussions avec le Parlement européen en vue de l’adoption d’un nouveau dispositif réglementaire.
S’il est à saluer que les ministres de l’Intérieur aient pu s’accorder sur une approche commune avec une plus grande solidarité entre les États membres, cet accord risque néanmoins de porter atteinte au respect des droits humains.
La mise en œuvre d’une procédure accélérée d’examen des demandes d’asile (12 semaines maximum, mais prolongeable à 16 semaines) dans des centres situés aux frontières pour les demandeurs d’asile venant de pays pour lesquels le taux dereconnaissance européen est inférieur à 20% concerne aussi des familles avec enfants. Seuls les mineurs non-accompagnés sont exempts de cette disposition. Comment tenir compte des effets traumatisants que le séjour va avoir sur les personnes vulnérables ? Comment assurer que l’assistance juridique soit effectivement proposée ? Quid de l’accès des organisations humanitaires à ces centres ?
L’Europe seule ne peut pas résoudre les souffrances des personnes cherchant refuge et protection. L’Europe pourra néanmoins développer davantage de voies d’accès légales et sûres pour exprimer sa solidarité.

[bleu ciel]Plaidoyer : Améliorer la prise en charge et l’encadrement de réfugiés mineurs nonaccompagnés[/bleu ciel]

En 2022, le Luxembourg a accueilli 110 mineurs non-accompagnés (Mina) ; ce nombre a doublé en une année (56 en 2021). Beaucoup d’entre eux ont vécu des traumatismes en cours de route et arrivent avec des vulnérabilités. Bien qu’il faille féliciter le Gouvernement pour ses efforts à ce sujet, il faut constater que l’encadrement de cesmineurs n’est pas idéal.
Un encadrement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 serait un vrai bénéfice pour les jeunes. Aujourd’hui, ces jeunes sont logés dans des structures de l’ONA (Office National de l’Accueil), qui ne correspondent pas aux exigences de l’ONE (Office National de l’Enfance). Un encadrement optimal ne peut malheureusement pas être assuré dans cesstructures.

  • Valoriser l’apport de la religion et de son patrimoine
    Relioun ass eng gesellschaftlech-kulturell Realitéit

[bleu ciel]Plaidoyer : Conservation du patrimoine cultuel et culturel : Engager davantage la responsabilité collective[/bleu ciel]

L’Église catholique, par le biais de ses paroisses, dispose d’un patrimoine architectural, artistique et iconographique très divers et riche. Ce patrimoine cultuel et culturel, accumulé au cours des siècles par des efforts conjoints des fidèles, des Fabriques d’église, des Œuvres paroissiales et des communes, constitue un héritage historique qui doit être conservé pour les générations futures. Or, l’application de la loi du 25 février
2022 relative au patrimoine culturel pose de gros problèmes au Kierchefong dans la mesure où le ministre peut mettre en demeure le propriétaire de faire procéder à l’exécution des mesures de conservation en grande partie à sa propre charge quand la conservation d’un bien culturel (meuble ou immeuble) classé comme patrimoine culturelnational est compromise.

Cette obligation de financer très majoritairement à sa propre charge la conservation est problématique à plusieurs égards. Exiger du Kierchefong, qui gère des biens affectés au culte catholique, d’effectuer des travaux de conservation en application de la loi du 25 février 2022 revient, de facto, à l’obliger à céder immédiatement les biens, dont il ne peut pas financer la restauration. Il est irréaliste de penser que les paroisses concernéespeuvent financièrement à elles seules entretenir et conserver le patrimoine culturel et
cultuel. Le principe de liberté du culte est ici en jeu. Car, selon la loi du 13 février 2018 sur l’établissement du Kierchefong (art. 11), lorsque le fonds cède un bien immeuble, il est obligatoirement désaffecté (désacralisé).

Il est important de reconnaître que la préservation du patrimoine culturel et religieux du Grand-Duché est une responsabilité collective qui ne devrait pas reposer uniquement sur les épaules de son propriétaire. En confiant au Kierchefong la mission d’assurer le culte catholique, le législateur lui a aussi attribué la conservation du patrimoine culturel et cultuel nécessaire à exercer la première. Lui faire supporter financièrement cette deuxième mission d’utilité publique sans le faire bénéficier des moyens dont disposent
les autres entités de droit public dans le domaine culturel équivaut à le déposséder, lui et ses donateurs, de leur patrimoine historique. Il est essentiel que les autorités compétentes reconnaissent la valeur et l’importance du patrimoine culturel et religieux et prennent des mesures appropriées pour le préserver, tout en tenant compte des réalités financières des entités religieuses concernées. Pour être clair : même si on tient
compte des aides et subventions étatiques et/ou communales octroyées pour des mesures de conservation, l’impact financier dépassera les moyens disponibles du Kierchefong. Partant, une intervention législative devrait contraindre les communes et l’État de prendre en charge une partie substantielle des travaux de restauration (mise en état) demandées par l’Institut national pour le patrimoine architectural (INPA).

[bleu ciel]Plaidoyer : Pour une évaluation et une révision du cours « Vie et société »[/bleu ciel]

La convention entre l’État et les communautés religieuses mentionne spécifiquement dans son article 12 que « Le Conseil des cultes conventionnés est consulté régulièrement, dans le cadre du futur cours commun ‘éducation aux valeurs’, sur les questions philosophiques et religieuses ». Nous devons constater qu’une telle
consultation relative au cours « Vie et société » n’a pas eu lieu lors de la périodelégislative 2018-2023.

Depuis l’introduction de cette matière en 2016, il y a plusieurs lacunes et déficits à combler, tant dans les manuels scolaires de l’école primaire en ce qui concerne la présentation des religions que dans les écoles secondaires où une religion mondiale spécifique est au programme par année scolaire de la 7e à la 4e
, mais sans qu’elle soit obligatoirement étudiée. Il est donc tout à fait possible de ne jamais aborder le thème
des religions, important pourtant entre autres pour la cohésion sociale et la compréhension de notre société. Si ces conditions ne sont pas remplies, cela va à l’encontre des dispositions du Parlement européen2 et du Conseil de l’Europe3 qui visent e.a. de promouvoir le respect mutuel dans ce domaine.

Par conséquent, le traitement obligatoire des religions du monde et du fait religieux devrait s’accompagner de l’obligation de normes minimales de formation initiale et continue des enseignants du cours « Vie et société ». Dans ce contexte, il convient également de souligner qu’une extension de la matière jusqu’à la 1re dans
l’enseignement secondaire se fait toujours attendre.

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PDF 705.5 kio, 14 septembre 2023
Eglise Catholique et élections législatives octobre 2023
14 septembre 2023