Lors de notre week-end communautaire du 3 au 4 octobre, j’avais proposé un atelier sur notre alimentation, notamment l’alimentation dans le contexte d’un style de vie simple. Ce sont mes réflexions personnelles à ce sujet que je partage ici. Je ne suis ni théologienne ni diététicienne. Il y a tant de bonnes opportunités pour obtenir des informations solides sur divers aspects de notre alimentation, que je m’étais limitée à un exercice qui vise à me rendre un peu plus consciente de, sensible à, attentive à ce que je fais lorsque je mange ou je bois.
Quelques pensées préliminaires personnelles
L’approche de l’homme (et malheureusement surtout de la femme) occidental(e) du 21e siècle par rapport à l’alimentation est souvent réductionniste. Surtout durant cette période des festivités de fin d’année, nous considérons les aliments comme fournisseurs de (trop de) calories. Les emballages de nos denrées nous livrent des analyses détaillées sur le contenu en protéines, glucides, lipides…. Notre culte de la beauté, les points Weight Watchers, les conseils diététiques nous encouragent dans cette approche de réduire nos aliments à une ou plusieurs composantes.
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Pourtant manger et boire sont bien plus qu’ingurgiter une certaine valeur énergétique, ce sont des actes (presque) religieux. En fait, toutes les religions établissent un lien étroit entre la nourriture et la relation de l’homme avec Dieu. Toutes les religions connaissent des rituels, des repas communautaires, des prescriptions et des interdictions concernant la nourriture. Dans les religions plus primitives, la consommation des animaux immolés en sacrifice permettait au prêtre d’avoir part à la vie et la force de la divinité. L’ « absorption » de la divinité dans un acte de manger constituait une forme archaïque d’entrer en relation immédiate avec la divinité. Par contre, c’est aussi en mangeant le fruit défendu qu’Adam et Eve brisent leur relation intacte avec Dieu.
Parmi les multiples dimensions religieuses de la nourriture (hospitalité, permis/défendu, repas communautaire, offrande, …), j’en avais choisi trois pour mon atelier.
La dimension « mystique »
« Je suis le pain de la vie » (Jean 6, 35) :
« Prenez et mangez tous : ceci est mon corps livré pour vous »
Voici quelques réflexions très personnelles ; je crois que aujourd’hui nous avons totalement perdu le sens de cette dimension que je nomme, faute de mieux, la dimension « mystique » de l’acte de manger.
Ce qui me frappe, c’est que dans l’art et dans la littérature, l’union mystique est souvent illustrée à l’aide de la métaphore de l’acte sexuel entre homme et femme ; le Christ, lui, n’utilise pas cette image lorsqu’Il décrit la relation qu’Il veut établir avec nous. Lui, Il utilise l’image des actes de manger et de boire, plus fondamentaux et universels. Il aspire à être notre nourriture, notre boisson. Je m’imagine : j’ouvre mon frigidaire ou ma corbeille à pain et j’y découvre…le Christ. Image impie, choquante à première vue, mais vraie…
Nous croyons que Dieu maintient la création en vie à chaque instant. C’est aussi à travers ma nourriture qu’Il me maintient en vie.
– Dans une prière préférée de St Ignace (l’Anima Christi) nous trouvons cette phrase merveilleuse : « Sang du Christ, enivre-moi ».
photo : enggul
– L’oeuf : article banal, anodin, composant de tant de denrées. Pour les Grecs Anciens, l’oeuf symbolisait tout l’univers, puisqu’il était composé des 4 éléments fondamentaux : la coquille représentait la terre, le blanc l’eau, le jaune le feu et dans l’œuf il y a toujours un peu d’air. L’oeuf de Pâques n’est pas seulement ce vestige païen que je croyais. L’œuf est un symbole approprié et pertinent pour le Christ, l’Alpha et L’Omega de la création. L’oeuf ne symbolise pas seulement la vie nouvelle que nous fêtons à Pâques. En effet, ce n’est qu’en cassant l’œuf, qu’en le sacrifiant pour l’utiliser dans une pâte, que le jaune se laisse découvrir, ce jaune qui nous rappelle le soleil, le « Sol Invictus », Christ, que nous fêtons à Noël. La prochaine fois que je casserai un œuf, je me rappellerai la Résurrection.
La dimension écologique : « les fruits de la terre »
Jacqueline L. donnait un témoignage émouvant et très informateur sur la valeur inestimable d’un « simple » litre de lait : combien d’années de travail et de soins sont nécessaires pour qu’une vache puisse donner le premier litre de lait qui puisse être vendu et versé dans mon café !
Les extraits de l’encyclique « Caritas in Veritate » que nous avons contemplés durant l’après-midi de notre journée ont confirmé que le respect de la création, des animaux et des plantes n’est pas une idée naïve et romantique des « verts », mais un appel central de notre foi en Dieu Créateur.
La dimension sociale : “ les fruits … du travail des hommes »
La globalisation donne une nouvelle dimension (souvent problématique) à cet aspect. L’idée du « faire trade » n’est pas nouvelle : Elisabeth de Thuringe (1207-1231 !) nous livre un exemple admirable de solidarité chrétienne dans une société où l’exploitation des paysans était tout à fait politically correct et sanctionnée par le féodalisme : elle refusait de manger les mets dont les ingrédients avaient été retirés de force à ses paysans.
Savons-nous qui a contribué à composer nos plats et sous quelles conditions ?
Pour nous rendre plus conscients des deux derniers aspects de notre alimentation, j’avais proposé le petit exercice suivant :
Quand je cuisine, je ne suis jamais seul(e)
Wenn ich koche, bin ich nie allein in meiner Küche…