L’Eglise au Luxembourg a invité les chrétiens et tous les hommes et femmes de bonne volonté à participer au processus de la « Parole sociale ». Le dossier de base proposé par l’archevêque comprend six thèmes : la pauvreté, le travail et l’emploi, la migration et la fuite, l’éducation et la formation, la famille et la vie, ainsi que la politique. Notre groupe de travail « migration forcée » a introduit une contribution sur la migration et l’asile.
Dans l’invitation à une Parole sociale, l’Archevêque Mgr Fernand Franck confirme qu’il existe déjà de nombreuses initiatives en vue d’un renforcement de la cohésion sociale dans le pays, et il pose quelques questions :
Quelles initiatives connaissez-vous dans votre entourage ?
Nous, les membres du groupe de travail « migration forcée » de la CVX, avons depuis les années 1990 des contacts réguliers avec des réfugiés, que nous soutenons de différentes manières, dans le concret de leur vie et par des gestes discrets :
1. Accueil
Accompagnement dans les démarches administratives
Aide aux devoirs
Offre de logements
2. Aide à l’intégration
Accompagnement
Aide à la recherche de travail et de logement propre
Conseils et appui surtout par rapport à l’éducation des enfants
3. Secours avant et après le rapatriement
Soutien financier et individuel
Aide à des projets de développement
Bourse d’études
4. Information au sein de la CVX
Soirées thématiques
Dossier dans le bulletin CVX intern
5. Lobbying
Questions aux partis politiques
Prise de position pour la constitution européenne et contre une forteresse Europe
6. Soutien spirituel pour bénévoles
Offre de réunion trimestrielle pour situer notre engagement dans un contexte spirituel (ceci depuis 2006)
7. Réseau informel d’amitié et de fraternité
Surtout avec certaines familles, comme les chrétiens d’Iraq, des familles congolaises ou bosniaques
Nous agissons de concert avec les autres ONG, surtout Caritas, Acat, Pax Christi, AI et ASTI
L’exemple de l’accueil du contingent d’Iraquiens il y a 10 ans nous semble spécialement convaincant et l’Eglise devrait se porter garante régulièrement pour accueillir un contingent de réfugiés particulièrement vulnérables. La collaboration à différents niveaux et entre diverses parties a permis une expérience de vie : le Nonce apostolique de Turquie en lien avec notre Archevêque, Caritas Turquie en contact avec Caritas-Luxembourg, les Bénédictins de Clervaux, les paroisses de Clervaux et de Roeser, l’équipe diaconie de l’Alliance des Eglises protestantes, les Jésuites, des chrétiens individuels ainsi que le UNHCR et le Gouvernement luxembourgeois évidemment : tous faisaient corps dans l’accueil et l’effort d’intégration des 30 Iraquiens. Le résultat en est convaincant.
Lesquelles des analyses et des constations décrites approuvez vous ? Avec lesquelles n’êtes vous pas d’accord ? Lesquelles voulez-vous compléter ? Qu’est-ce qui manque et devrait être rajouté ?
1. Le texte spécifie, parmi les motifs de migrations, le « désir de vivre dans une région qui nous plaît mieux » ; ceci nous fait penser particulièrement au phénomène des retraités luxembourgeois qui s’établissent, du moins pendant certains mois de l’année, dans le Sud de la France ou en Espagne.
2. Si nous nous situons dans un contexte européen, du point de vue juridique, la mobilité et la libre circulation au sein de l’Europe ne sont plus à considérer comme immigration/émigration. Or du point de vue social et surtout à cause de l’usage de langues différentes, même un frontalier francophone est perçu comme un étranger par un Luxembourgeois ayant des difficultés à s’exprimer en français. Il nous paraît important d’expliquer aux autochtones que la réalité européenne est telle, que notre pays ne peut pas (plus)fermer ses portes aux autres ressortissants européens.
L’expérience des jeunes faisant route ensemble au sein de la « Caravane », chorale unissant Luxembourgeois, jeunes d’origine italienne et portugaise, est une expérience commune réussie
3. Le Luxembourg fait-il vraiment partie de « la francophonie », comme les politiciens le font parfois croire à l’étranger, ou est-ce un leurre ?
4. Il nous semble important de bien spécifier que selon le droit international, le réfugié de guerre (Gewaltflüchtling) n’est pas considéré comme un réfugié « véritable et correct ». Dans l’analyse il faudra ajouter que c’est précisément le discours officiel - déclarant p.ex. que les demandeurs d’asile du Monténégro, arrivant entre 1991 et 1999, n’étaient pas des vrais réfugiés - qui avait suscité le rejet dans la population, alors que les Luxembourgeois savent très bien ce que signifie la réalité des « réfractaires, déserteurs et des enrôlés de force ». Quelquefois aussi les comparaisons avec la situation d’après-deuxième guerre mondiale ne sont pas valables et mènent vers des jugements non-justifiés car le contexte est très différent. La présence de troupes paramilitaires dans les régions d’origine, comme par exemple au Sandjak (ex-Yougoslavie) n’a jamais été reconnue publiquement par nos autorités.
Il en va de même des Albanais victimes du système ancestral de la vengeance ou des minorités du Kosovo, trop vite et sans nuances considérés comme de « faux réfugiés », alors qu’ils sont bel et bien des Gewaltflüchtlinge.
5. Nous appuyons particulièrement l’avant dernier paragraphe du chapitre 3.1. et le respect des droits fondamentaux de toute personne étrangère. Dans des situations répétitives de non-respect de ces droits ou de discrimination évidente, nous demandons que l’Eglise soutienne des avocats afin de créer une jurisprudence pouvant remédier à ces manquements.
6. Un souci particulier est le centre de rétention ; nous demandons que ce centre -bien que fermé - soit ouvert aux bénévoles offrant un encadrement humain et spirituel.
Lesquelles des pistes et des propositions décrites approuvez vous ? Avec lesquelles n’êtes vous pas d’accord ? Lesquelles voulez vous compléter ? Qu’est-ce qui manque et devrait être rajouté ?
Une attention particulière doit être portée à l’intégration des familles étrangères appartenant à des couches sociales défavorisées. Les efforts de la première génération consistent souvent à couvrir les besoins primaires au Luxembourg et à aider la famille restée au pays d’origine. Les besoins éducatifs des enfants sont souvent secondaires, voire négligés ou même parfois laissés à l’abandon. A l’adolescence paraissent alors les suites d’une éducation trop permissive : petits délits, bagarres.....
Un appui local est nécessaire, incluant l’attention bienveillante de voisins autochtones.
Le rôle capital de l’école, des structures parascolaires et des associations locales pour les enfants de familles étrangères est à souligner. Dans le cas des familles où les adultes ne maîtrisent aucune de nos trois langues il importe p.ex. de conseiller aux parents de demander que leurs enfants bénéficient de la possibilité de faire le 1er cycle de l’école primaire en 3 ans au lieu de 2 et de leur en expliquer les avantages. L’Eglise doit davantage encore se faire la voix d’un système éducatif qui valorise les talents et connaissances de chacun, quitte à sacrifier notre système de trilinguisme trop poussé.
Une aide précieuse pour des personnes déplacées fortement traumatisées par les évènements douloureux dans leur patrie ou au cours de la fuite serait la mise sur pieds d’une unité mobile d’assistance psychique spécialisée (ethnopsychiatrie) pour soigner ces personnes et pour conseiller les professionnels et bénévoles travaillant avec eux.
Pour nous il est évident que l’étranger occupe une grande place dans l’univers chrétien et de nombreux textes de la Bible nous encouragent dans notre ouverture à l’Autre.
Luxembourg le 1er mars 2007
Antoinette Bemtgen
Romain Kremer
Pierre Meyers sj
Marie-Thérèse Probst
Agnès Rausch